Du Hung Gar au Lam Ga Hung Kuen, une histoire de maîtres et de styles

Les arts martiaux chinois se composent de nombreuses écoles (plus de 200 référencées), découpées souvent en de nombreux styles. C’est le cas de la célèbre école du « tigre et de la grue », connue sous les termes « Hung Gar / Ga » (famille Hung), « Hung Kuen » (poing des Hung) ou « Hung Gar Kuen » (poing de la famille Hung) et enseignée chez Wuxing. Une école emblématique du sud de la Chine, emplie de mythes et de légendes depuis ses origines qui remonteraient à la chute du célèbre temple Shaolin. Ces origines expliquent certains noms de clubs « Shaolin / Siu Lam Hung Gar » à travers le monde, qui revendiquent le « Shaolin originel ».
Le Hung Gar est surtout une école qui a beaucoup évolué au fil des siècles, créant, au détour des différents maîtres, plusieurs déclinaisons, plusieurs styles.
Développement durant les 17e, 18e et 19e siècles

Plusieurs maîtres ont eu un fort impact sur le Hung Gar au fil du temps. Citons :
- Gee Sin Sim See, d’après la légende un des cinq moines rescapés de l’ancien temple Shaolin au 17e siècle.
- Hung Hei Gung, disciple de Gee Sin Sim See, qui apprit ses arts martiaux et les développa pour créer le style qui portera son nom : Hung Gar Kuen, le poing de la famille Hung. Il aurait notamment créé l’ébauche de la forme Gung Gee Fook Fu Kuen (« dompter le tigre »), taolu déclinant la plupart des techniques du style.
- Fong Wing Chun, épouse de Hung Hei Gung, serait d’après certaines légendes une pratiquante de Bai He Quan (poing de la grue blanche). Elle aurait apporté les techniques de la grue à son mari, permettant de compléter le répertoire du Hung Gar, designé depuis comme le style du tigre et de la grue. Une histoire séduisante à prendre néanmoins avec des pincettes. Le récit d’une épouse experte en arts martiaux est en effet assez récurrent dans les histoire des écoles martiales chinoises, peut-être trop récurrent pour être systématiquement véridique…
- Tid Kiu Sam, de son vrai nom Leung Kwan, semble avoir été le chef des « 10 tigres du Canton », dix experts en arts martiaux ayant vécu au 19e siècle. Il serait le créateur de la première version de la forme Tid Sin Kuen (« le poing du fil de fer »), un Taolu complexe présentant notamment les 12 ponts du style ainsi qu’une méthode de Qi Gong avancée.
L’influence de Wong Fei Hung

Un des personnages les plus célèbres de l’histoire du Hung Gar reste sans nul doute Wong Fei Hung (1847 – 1925). Considéré comme un véritable héros dans la culture chinoise, il est omniprésent dans la littérature, le théâtre et dans le cinéma. De nombreux récits lui attribuent nombre d’exploits et de prouesses. Il est en tout cas indéniable que Wong Fei Hung représente une véritable évolution du style. Bien que beaucoup de techniques semblaient exister auparavant, il serait à l’origine de la compilation des quatre piliers du Hung Gar tels qu’ils sont encore pratiqués aujourd’hui. Ces quatre Taolu contiennent toutes les techniques et stratégies du style : Gung Gee Fook Fu Kuen (« dompter le tigre »), Fu Hok Seung Ying Kuen (« tigre et grue »), Ng Ying Kuen (« 5 animaux ») et Tid Sin Kuen (« fil de fer »). Il aurait aussi introduit dans le Hung Gar la médecine traditionnelle chinoise ainsi que la danse du lion, pour laquelle il était réputé et dénommé « roi des lions ».
« Ancien » et « nouveau » Hung Gar
L’influence de Wong Fei Hung est telle qu’on considère désormais deux courant distincts dans le Hung Gar :
- L’ancien style Hung Gar également appelé « Hung Gar des villages ». Il correspond à la méthode originelle développée avant l’influence de Wong Fei Hung, et se décline en plusieurs styles distincts.
- Le nouveau style Hung Gar qui correspond à la méthode mise au point par Wong Fei Hung. Elle s’est également déclinée en plusieurs styles au gré des disciples devenus maîtres après Wong Fei Hung. Parmi les plus répandues, on peut citer les lignées Lam (pratiquée à Wuxing), Lau et Chiu. Tous reconnaissent néanmoins les mêmes origines et basent leur enseignement sur les piliers.
La lignée Lam Ga Hung Kuen

Lam Sai Wing (1860 – 1943)
Disciple de Wong Fei Hung et probablement le plus célèbre des maîtres de Hung Gar après son propre maître. Il a énormément travaillé avec lui à compiler puis répandre le style, en ajoutant par exemple les 5 éléments au 3e pilier du style (devenu maintenant Sup Ying Kuen, poing des 10 formes). Il a également rédigé et publié les livres emblématiques des Taolu du Hung Gar. Remplis de dessins le représentant, ces livres sont considérés aujourd’hui comme « la bible » du style.


Lam Cho (1910 – 2012)
Lam Sai Wing n’ayant pas eu d’enfant, il adopta son neveu orphelin Lam Cho qui devint son successeur. Ses compétences indéniables firent de lui un grand maître qui porta le Hung Gar durant tout le 20e siècle. Son exceptionnelle vitalité fut, d’après lui, le fruit de sa pratique quotidienne de Tid Sin Kuen depuis son enfance. Il forma chacun de ses fils, tous trois grands maîtres de Hung Gar aujourd’hui. C’est également à lui que l’on doit le logo actuel du style, en forme de losange, signifiant « tigre et grue ».


Lam Chun Fai (1940 – )
Fils ainé de Lam Cho et actuel représentant officiel du style à travers le monde. Son nom lui fut donné par Lam Sai Wing lui-même. De son école basé à Hong Kong, il a dédié sa vie à l’enseignement du style de sa famille, formant de nombreux élèves aujourd’hui professeurs à travers le monde. Il a récemment compilé une grande partie de ses connaissances dans une série d’inestimables livres écrits de sa main, marchant dignement sur les traces de son illustre ancêtre.

