Le salut du Wushu
Origine, mythes et usages du célèbre salut du Wushu : Bao Quan Li.
Ce mouvement, appelé Bao Quan Li (littéralement « le rite de l’enveloppement de la main ») ou simplement Bao Quan (« la main enveloppée »), paraît à première vue anodin. Il recèle pourtant de nombreux sens cachés. A l’origine simple salut chinois (comme notre poignée de mains), il a été repris par les écoles de Wushu pour devenir le symbole de reconnaissance et de fraternité de la grande famille martiale chinoise.
Dans la vie de tous les jours
La différence avec notre poignée de main mérite son explication. Le contact physique induit par la poignée de main peut être assimilé à une légère épreuve de force, et surtout, d’un point de vue martial, comme une façon de mettre ou de se mettre en danger (la saisie étant le point de départ de nombreuses techniques pour un pratiquant). Le salut asiatique à distance prend alors, dans la vie de tous les jours, double sens : « je te montre mon respect en te saluant » mais « je reste à distance et te préviens par ce salut que je connais les arts martiaux, au cas où tu aurais de mauvaises intentions ».
A l’entraînement, au dojo
Le geste, comme à l’extérieur, est avant tout une marque de respect. Respect du professeur et de l’enseignement que l’on va recevoir, respect des autres, respect de soi-même. Car par ce geste, l’élève fait la transition entre son quotidien et l’ entraînement, la part des choses entre les préoccupations de sa vie active, et l’ouverture d’esprit nécessaire à un apprentissage. Au sein d’un cours de Kung-Fu, on oublie les âges, les rangs sociaux et professionnels. Nous sommes tous partenaires, égaux dans une même recherche.
Que salue-t-on ?
- JingShi : Respect de l’enseignant (le Shifu ou Sifu)
- JingGuan : Respect du lieu d’entraînement (le Guan ou Kwoon)
- JingQuan : Respect de l’art martial
Détails techniques et significations
Le principe est simple : une paume sur un poing. La main gauche est ouverte, elle représente la connaissance. Le pouce de cette main nous incarne en tant qu’individu. Il doit donc être replié, montrant ainsi l’humilité du pratiquant face aux arts martiaux, à l’enseignement et au professeur. La main droite est fermée en poing et symbolise le courage et le combat. Le pouce est au dessus des autres doigts. On peut éventuellement pivoter légèrement le poignet vers l’extérieur pour montrer les doigts, un signe d’ouverture et de générosité .L’association de la main ouverte et du poing évoque donc l’entrée intelligente dans le combat, dans toute sa complexité, son respect et ses valeurs. Des doigts légèrement fléchis au niveau de la main gauche, englobant ainsi le poing, renforcent ces idées.
A l’inverse, les deux mains décollées avec le poing dirigé vers l’autre peut-être pris comme une provocation, une matérialisation ferme de son animosité envers l’autre.
Interprétations et symboliques
L’explication la plus simple semble être l’interprétation direct du geste en lui même : une main arrête un poing. Ceci rejoint le sens littéral du mot wushu « arrêter la hallebarde », et signifie qu’un pratiquant ne saurait engager le combat avant d’avoir épuisé tous les moyens de calmer la situation. Une interprétation plus symbolique fait référence au célèbre principe du yin et du yang, qui guide et influence toute la philosophie asiatique. La main ouverture est yin, elle représente, entre autres, le négatif, l’ombre, la lune, la terre. Dans ce cas précis, les 5 doigts peuvent également représenter les 5 continents, ou l’homme (le pouce) au milieu des 4 océans (les autres doigts, matérialisant les 4 directions Nord, Sud, Est, Ouest). Le poing fermé est positif; lumière, soleil, ciel, mais également ici le cœur. L’union de la main est du poing est donc la réunion des dualités : yin/yang, positif/négatif, ombre/lumière, terre/ciel… Si on élargit cette réflexion, l’association des 5 continents et des 4 océans représentait pour les chinois l’union par excellence, comme l’indique ce célèbre proverbe : « à travers les 5 continents et les 4 océans, tous les hommes sont frères ».Ce geste alors nous rassemble et nous unis, il est l’expression même de l’harmonie.
Un peu d’histoire
A l’époque de la dynastie Qing, en Chine, les Ming formèrent une rébellion pour récupérer le pouvoir. Leur signe de ralliement était alors cette même association main ouverte / poing fermé. Ce salut permettait alors de montrer rapidement son appartenance à un même groupe, et ainsi aux rebelles de se reconnaître entre eux, mais la symbolique est ici intéressante. La combinaison des caractères « Soleil » et « Lune » donne le caractère « Clarté », qui se prononce en chinois… »Ming ». Ainsi, en un seul geste, les rebelles affirmaient leur détermination « Renversons les Qing, restaurons les Ming ! »
Quelques variantes célèbres
Les disciples de Shaolin ont depuis des siècles adopté le salut à une main : la main droite ouverte présentée seule devant soi. Ce geste semble rendre hommage à Huike, premier disciple de Bodhidarma, qui selon la légende se trancha une main pour montrer sa détermination à l’apprentissage du Kung-Fu.
Le style Hung Gar exécute Bao Quan de façon décollée, dans un mouvement appelé « Qing Long Pai Fu Shot Yin » (l’union du Dragon vert et du Tigre blanc).
Le style Pak Mei (un autre célèbre style du sud de la Chine) procède à ce que certains nomment « mettre les fleurs dans le vase », qui s’exécute ainsi : la main droite est ouverte et se place au dessus de la main gauche fermée en poing.
Commande pour saluer
La commande du professeur pour saluer est Jing Li / Xing Li. Cette formule invite à procéder à un salut respectueux.
Une école, plusieurs saluts
Le geste que nous avons vu, dans sa version de base, est donc identique dans toutes les écoles traditionnelles d’arts martiaux chinois, et se pose donc comme un geste fédérateur. Les écoles ont cependant d’autres saluts, selon les styles qu’ils pratiquent ou pour se différencier les unes des autres. Notre école ne fait pas exception, et les saluts de l’Ecole feront l’objet d’un prochain article.